jeudi 26 mai 2011

La maison de thé


Jacques TOURNIER, La maison de thé, Seuil, Paris, mars 2011 (86 pages).

Un grand thé vert de Chine, tenez : un Huang Shan Mao Feng; il est seize heures, la brume se lève, mais il reste un fond de fraicheur dans l'air.

De préférence chez vous, il y a des choses qu'on ne peut faire bien que chez soi, qui requièrent une certaine tranquillité.

Pas de musique, la rumeur de la ville suffira.

Entrent les fantômes.
« Je suis assis dans une maison de thé aux parois de toile tendue sur des cadres de bois qui s'encastrent sans bruit l'un dans l'autre. [...] J'ai fait un long chemin dans ce jardin initiatique des environs d'Amsterdam qui raconte un parcours de vie. [...] Il ne me reste à parcourir que l'étroite pelouse de la sérénité, décorée de bonzaïs, qui accompagne la vieillesse jusqu'au tumulus de la mort, veillé par un chêne centenaire. [...] Cette pelouse de la sérénité, il faut la traverser inexorablement. Je la vois devant moi, sur l'autre rive du petit lac, à travers la porte entrouverte. Je ne sais rien d'avance, ni du temps qu'il faudra, ni de cette sérénité avec laquelle je la traverserai. Je sais seulement que j'ai rejoindrai à mon tour cet inconnu, qui m'a laissé pour héritage une image éblouie du corps dont je suis né. »
Quelques romans, des traductions et, surtout, une longue vie de rencontres, voilà Jacques TOURNIER. Des ombres passent: Scottie, la fille de FITZGERALD; Jane AVRIL au Divan Japonais; une vielle comtesse au château de Malromé parle de son fils parle son fils, à qui « Monsieur DEGAS, a dit, en lui touchant l'épaule : " Ça, LAUTREC, on voit que vous êtes du bâtiment. " »; l'ange PHILIPPE; quelques actrices; BARBARA au rire franc et à la Mercedes où elle tricotait : « Si un jour je ne chante plus, je me flingue ».

Oui, la brume se lève, les rideaux frémissent, le temps est suspendu. La douceur de la sensibilité.

Présentation de l'éditeur :
« Jacques Tournier a demandé à Hugo, un enfant de six ans attentif et curieux, de faire avec lui un voyage immobile. Ses questions sur ses souvenirs, ses rencontres, lui ont permis de mesurer ce qui sépare celui qui a presque fini de vivre de celui qui commence à peine. " C'est mon professeur d'innocence et je m'enterre dans sa mémoire. " La maison de thé est la dernière étape d'un parcours de vie, un lieu de paix où l'on se repose avant de se diriger sereinement vers le tombeau. Jacques Tournier s'y est attardé longtemps et a vu certaines images de son passé traverser les portants de toile, d'un mot à un autre, sans ordre chronologique, selon les caprices de sa mémoire. Il a revu ceux qui l'ont accompagné un temps. Des gens de théâtre : Gérard Philipe, Yvonne Printemps et Pierre Fresnay, Suzanne Flon. Il a réentendu le piano de Barbara, regardé de nouveau les toiles de Carpaccio, celles de Toulouse-Lautrec et celles de Chardin, retrouvé à travers la musique de Chopin, George Sand et Nohant, et la voix de Pauline Viardot qui l'ont entraîné vers d'autres voix de femmes. Mais aussi deux écrivains qu'il a découverts mot à mot, en les traduisant : Carson McCullers et Fitzgerald. Une vie de rencontres et de curiosités, celle d'une âme sensible au cœur de son époque. »

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