mercredi 16 février 2011

Régime

Certaines soirées, surtout de celles qui sont bien arrosées et se poursuivent bien avant dans la nuit, se rappellent à votre bon souvenir le jour venu : l'eau minérale et le thé de Japon, bien léger, sont alors les bienvenus. Il n'en va pas autrement des livres, mais en la circonstance, le thé n'est d'aucune utilité. Avec le temps, j'ai appris, pour me remettre d'une indigeste lecture, à me plonger dans un dictionnaire. Le Trésor de la langue française, riche en exemples, sur la Toile, vous remettra sur pied, littéralement et littérairement, en un rien de temps et vous fera oublier ces textes qui vous ont tant fait souffrir. En quelque sorte, un spa pour l'esprit.

J'ai aussi, pour la cure de désintoxication des proses médiocres, recours aux recueils des chroniques du Maître de la critique de la fin du siècle dernier : Angelo RINALDI. Quel style. Il vous en éreinte un comme pas un, certes, mais il n'a pas son pareil pour vous donner le goût de découvrir un auteur. J'en suis à déguster son récent opus, Dans un état critique, et je fus requinqué par sa chronique sur les lettres de Madame PALATINE, celle que PROUST appelait « la femme de la Tante, l'épouse de Monsieur, le frère de Louis XIV, lequel, tout belliqueux qu'il fût, inclinait du côté de Sodome.

Et, quelques pages plus loin, voici la critique d'un bref roman de Roger GRENIER, dont RINALDI rappelle que, « illustrateur des faillites, [il] écrit sec » et toujours « sut en trois phrases donner l'impression de la durée, capter le flot amer du temps, dont son œuvre, en sa grisaille sans miséricorde, reproduit le mouvement de ressac, chaque livre ayant poussé l'autre, comme les vagues ». C'était à propos du roman Le veilleur, paru chez Gallimard il y a une dizaine d'années. Vous aurez compris que GRENIER est de ces auteurs qui viennent du côté de chez TCHÉKHOV dont je suis grand amateur, et chez qui la mélancolie ne s'accompagne pas d'un sirupeux fond sonore. L'heure tardive ne m'a pas retenu de le reprendre; dix ans ! ce n'est plus le même homme qui relit, c'est à se demander, même, si on l'a déjà lu ce court roman. Quelques annotations l'attestent, et pourtant, tout est comme nouveau. Et me voici tout à fait guéri.

Mais, cher lecteur, inutile d'attendre la prochaine grippe pour le lire.

Roger GRENIER, Le veilleur,Gallimard, Paris, 2000 (143 pages).
Angelo RINALDI, de l'Académie française, Dans un état critique, La découverte, Paris, 2010 (406 pages).

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