mercredi 6 octobre 2010

La mort d'Edgar

Franz BERTELT, La mort d'Edgar, Gallimard, Paris, 11 mars 2010 (227 pages).

Présentation de l'éditeur :
« On retrouve dans ces neuf nouvelles la verve tour à tour truculente, sarcastique ou philosophique de Bartelt, son attention très fine aux êtres et à leurs misères. On y danse sur des musiques tristes La Samba des otaries ou le Quadrille des déménageurs trapus, on se suicide comme on plaisante, on rêve qu'on est ressuscité mais on meurt en se réveillant... Une fille parfaitement chaste a une réputation de lubricité qui enflamme tous les mâles du pays, un romancier se met à l'épreuve du réel en livrant sa femme à la débauche pour écrire un roman érotique (elle y prendra goût, hélas)... L'univers de Bartelt puise sa force dans un style remarquable d'inventivité roublarde, avec un sens exceptionnel de la formule et du dialogue comique. »

Il y a, chez BARTELT, auteur que j'avais découvert en 2005, sur la recommandation de mon libraire d'Ottawa -- qu'il en soit encore remercié, il était un de ceux qui s'intéressent à connaître leur pratique et les goûts de celle-ci et non un marchand sujet aux coups de cœur --, avec le recueil de nouvelles Le bar des habitudes, puis avec Pleut-il -- que je ne retrouve pas, l'aurais-je prêté, c'est à dire perdu ? et que je fréquente depuis, un souci de ceux que l'on appelle dans les média les anonymes, les tout un chacun de la vie contemporaine, sans autre signe distinctif que leurs petits secrets, dont la vie, que l'on dit sans histoire, ne sera jamais consignée dans une biographie.
« C'était une jeune fille chaste qui aimait la lecture des grands succès de librairie. Elle avait un penchant pour la musique populaire, pour les chanteurs à la mode, mais cela ne se devinait pas sur son visage. »
« Personne n'aimait François Boadec, mais personne n'avait de vraies raisons de lui en vouloir. Il se tenait à l'écart, c'est tout ce qu'on pouvait lui reprocher. »
« De l'avis général, [Vincent Harlot] écrivait d'une manière plutôt convenue, enfonçant les portes ouvertes avec des phrases sans clef. »

« Sa volonté de bien faire s'appliquait aux choses de la vie en général, sans distinction d'importance. S'il devait s'asseoir, il s'arrangeait pour bien s'asseoir. Le simple fait de s'asseoir demande, en effet, une certaine attention. Des calculs assez millimétriques, Un enchaînement de gestes et de postures qui ne dépendent ni du  hasard ni de l'instinct. »
Bref, en apparence, des gens comme vous et moi. Mais pourquoi diantre, dès lors, s'y intéresserait-on ? En raison de l'art de l'auteur, lequel métamorphose la banalité du quotidien en littérature.

C'est, au demeurant, qu'elles ne sont pas si banales qu'il n'y parait les vies des héros des nouvelles de BARTELT, qui sait les ciseler au burin en respectant les conventions du genre : je vous mets au défi de prévoir la chute de chacune d'entre elles.

Et on y reconnaît bien des travers de notre époque. Une de mes préférées, Histoire de l'art, peint le parcours artistique du héros, Mamoh Grelock  -- soulignons au passage l'inventivité onomastique de l'auteur -- « un artiste de l'attente. Un conceptuel. Un moderne. » Dont « une des œuvres les plus fortes fut son attente au guichet de la Poste. » Tableau savoureux des précieux ridicules de l'art contemporain.

Et cette autre, Le puits où l'un des personnages, le camarade Mouillu, passe sa vie à essayer de se suicider et l'autre, Fernand Biroche, son inséparable ami, à le sauver de la mort. J'ose vous révéler que le premier finira par se réussir, mais c'est à vous de découvrir comment, et le raffinement de la cruauté de son geste.

Vous aurez compris que j'ai beaucoup aimé le nouveau recueil de nouvelles de Franz BARTELT et que je vous le recommande vivement. Et je vais me précipiter sur son Petit éloge de la vie de tous les jours, qui est passé en 2009, comme on dit, sous mon écran radar.


Franz Bartelt, un balcon à Nouzon
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