samedi 27 décembre 2008

Bilan en forme de lexique

Voici un texte qui nous sort fort à propos des lieux de cultes qui phagocytent les médias en fin d'année.

De l'illusionnisme en politique - Opinions - Le Monde.fr

mardi 23 décembre 2008

La vie de château.


Réaction horrifiée d'un de mes amis quand, citant l'essai Derrière la façade de William Richey NEWTON, j'évoquais les habitudes d'hygiène au Grand Siècle à Versailles: pas plus d'un bain par an, et encore !
« Le bain, hors l'usage de la médecine en une pressante nécessité, est non seulement superflu, mais très dommageable aux hommes. Le bain extermine le corps et le remplissant, le rend susceptible de l'impression des mauvaises qualités de l'air. [...] Le bain emplit la tête de vapeurs. »
Théophraste Renaudot, Recueil général des questions traitées et conférences du bureau d'adresse
On le voit, la médecine, même dans MOLIÈRE, est une science exacte qui est « dans » la vérité certes, mais que toute vérité est passagère...

Et glissons sur les « cabinets des affaires » et autres chaises percées.

Qu'est-ce qui nous fait courir ?

Achille ou la vie pure - Livres - Le Monde.fr

Le prochain livre sur ma table de lecture.

vendredi 19 décembre 2008

Noël paien



Michel ONFRAY, Le souci des plaisirs - Construction d'une érotique solaire, Flammarion, Paris, 2008 (191 pages).

Reçu aujourd'hui ce nouvel essai de Michel Onfray, superbement illustré. Un livre païen à offrir, toute ironie voulue, à Noël, où est célébrée la naissance « d'un Fils de Dieu incarné en f ils de l'Homme, un mythe nommé Jésus [qui] a servi de premier modèle à l'imitation : un corps qui ne boit pas, ne mange pas, ne rit pas, n'a pas de sexualité -- autrement dit, un anticorps ».

Quatrième de couverture :
« Vingt siècles de christianisme ont fabriqué un corps déplorable et une sexualité catastrophique. A partir de la fable d'un Fils de Dieu incarné en Fils de l'Homme, un mythe nommé Jésus a servi de premier modèle à l'imitation : un corps qui ne boit pas, ne mange pas, ne rit pas, n'a pas de sexualité - autrement dit, un anticorps. La névrose de Paul de Tarse, impuissant sexuel qui souhaite élargir son destin funeste à l'humanité tout entière, débouche sur la proposition d'un second modèle à imiter : celui du corps du Christ, à savoir un cadavre. Sur le principe de cette double imitation, un anticorps angélique auquel on parvient en faisant mourir son corps au monde, les Pères de l'Eglise, dont Saint Augustin, développent une théologie de l'éros chrétien : un nihilisme de la chair. Le modèle de jouissance devient le martyr qui jouit de souffrir et de mourir pour gagner son paradis.

» Une seconde théologie de l'éros chrétien passe par Sade et Bataille, deux défenseurs de l'éros nocturne chrétien : identité de la souffrance et de la jouissance, mépris des femmes, haine de la chair, dégoût des corps, volupté dans la mort...

» L'antidote à ce nihilisme de la chair se trouve dans le Kâma-sûtra, un antidote violent à La Cité de Dieu d'Augustin. Sous le soleil de l'Inde, l'érotisme solaire suppose une spiritualité amoureuse de la vie, l'égalité entre les hommes et les femmes, les techniques du corps amoureux, la construction d'un corps complice avec la nature, la promotion de belles individualités, masculines et féminines, afin de construire un corps radieux pour une existence jubilatoire.

» Le Souci des plaisirs raconte l'obscurcissement chrétien de la chair, et propose une philosophie des Lumières sensuelles. »

mercredi 10 décembre 2008

Commandé hier

Cent jours - La tentation de l'impossible


Emmanuel de WARESQUIEL, Cents jours - La tentation de l'impossible mars-juillet 1815, Fayard, Paris, 2008 (687 pages).

Je n'ai jamais été très Napoléon, sauf peut-être à l'adolescence, quand, dans d'anciens livres d'histoire de France, j'étais emporté par le narré de la légende de l'Empereur, récit d'une ascension fulgurante et d'une chute tragique : un destin d'exception. Plus tard, j'ai pris connaissance de l'histoire politique sous l'Empire, des guerres, et de l'exercice du pouvoir. Principale réalisation, comme l'écrit François Furet : avoir mis fin à la Révolution.

J'ai toujours été, en revanche, intéressé par les périodes de transition entre deux règnes, entre deux régimes. Les Cent jours sont une de ces périodes.

Le principal attrait du livre d'Emmanuel de WARESQUIEL, dont j'avais déjà beaucoup aimé la biographie de Talleyrand, est de peindre cet épisode où Napoléon revient en France depuis son petit royaume de l'île d'Elbe et s'empare du pouvoir pour trois mois, « aventure » qui prendra fin à Waterloo et sera suivie par la restauration de la Restauration, non pas, comme tant d'autres historiens l'ont fait, en tenant également compte du point de vue de Louis XVIII. En un mot, on assiste à un conflit de légitimités : on est bien loin de la légende dorée du « vol de l'Aigle ».

L'autre attrait, en creux si je puis dire, est d'illustrer que l'histoire est bien un discours construit : vérité certes, mais quelle vérité ? Nulle photographie, technique pourtant très « objective » ne montre l'ensemble de la réalité. Il en est de même pour l'histoire -- voir à cet égard le récent livre de Paul VEYNE sur Foucault commenté il y a quelques jours.

Certes le livre de WARESQUIEL n'échappera pas à cette réalité, mais il a au moins l'avantage de photographier le sujet d'un autre angle.

Et comme on dit : À suivre.

vendredi 5 décembre 2008

Les années

Annie ERNAUX, Les années, Gallimard, Paris, 2008 (242 pages).

J'aurai ce soir, ou dans la nuit ambre et noire de ce début de décembre, cette autobiographie impersonnelle d'Annie ERNAUX.

J'en ai parlé chaudement au dîner avec R., qui préfère la lecture des essais, il fréquente présentement, un peu sur mon avis, l'américain Christopher LASCH, et se méfie généralement de mes enthousiasmes. C'est un rationnel, il est dans les chiffres, mais je ne lui en veux pas. J'en ai donc parlé, entre la poire et le fromage, de ce qui, rendu à la page 22o et dans les années 2000, le 11 septembre passé, ne cesse de m'envouter : l'imbrication de la vie sociale et de la vie privée, la première façonnant la seconde, la seconde réagissant à la première.

Et la phrase simplissime d'Annie ERNAUX.

Tout s'organise ainsi, une photo « d'elle » à tel moment de sa vie. Le commentaire suit, la vie à cette époque. La famille, l'école, la profession, Paris, les hommes, les enfants, les « événements ». Le passage de la vie de famille à la vie de couple, puis à la vie en solitaire (comme la navigation). Sagan et Sartre. De Gaulle et Mitterand. Le chic des petits pois en conserve, celui du retour à la terre. Et puis, au débotté, la petite phrase qui tombe, là, et sidère.

Plutôt que de continuer à commenter, je vais céder le reste de la page, citant, comme on dit passim, à Annie ERNAUX, avec, justement, une gerbe de ces petites phrases. Fleurs de vie. De 1941 à..., suivez les années :
Les enfants cette fois regrettaient d'avoir traversé trop petits cette période de la Libération sans vraiment la vivre.

Les discours disaient qu'on représentait l'avenir.

Le silence était le fond des choses et le vélo mesurait la vitesse de la vie.

Tout le monde savait distinguer se qui se fait de ce qui ne se fait pas, le Bien du Mal, les valeurs étaient visibles dans le regard des autres sur soi.

(Monter en ville, rêver, se faire jouir et attendre, résumé possible d'une adolescence en province.)

Les gens avaient tellement la conviction de vivre mieux.

Aux désirs qui nous agitaient était opposée la sagesse des limites, « tu demandes trop à la vie ».

Elle a noté qu'elle doit disserter sur Polyeucte mais préfère les romans de Françoise Sagan qui, « bien que foncièrement immoraux, ont cepandant un accent de vérité ».

Jusqu'au mariage, les histoires d'amour se déroulaient sous le regard et le jugement des autres.

Pour l'avenir coexistent en elle deux visées : 1) devenir mince et blonde, 2) être libre autonome et utile au monde. Se rêvant en Mylène Demongeot et Simone de Beauvoir.

La profusion de choses cachait la rareté des idées et l'usure des croyances.

Penser, parler, écrire, travailler, exister autrement : on estimait n'avoir rien à perdre de tout essayer.

Le discours du plaisir gagnait tout.

Les idéaux de mai se convertissaient en objets et en divertissement.

Lire Charlie Hebdo et Libération maintenait al croyance qu'on appartenait à une communauté de jouissance révolutionnaire et d'oeuvrer, en dépit de tout, à l'arrivée d'un nouveau mois de mai.

Le temps d'avant quittait les tables familiales, s'évadait du corps et des voix des témoins.

On avait besoin de « se ressourcer ». De tous côtés montait l'exigence des « racines ».

À mesure qu'on vieillissait on n'avait plus d'âge.

mercredi 3 décembre 2008

Emprunté à la bibliothèque


Emmanuel de Waresquiel, Cents jours - La tentation de l'impossible mars-juillet 1815, Fayard, Paris, 2008 (687 pages).

Présentation de l'éditeur :

"Rien dans l'histoire n'a ressemblé à ce quart d'heure", a écrit Victor Hugo. Il est vrai qu'en un peu plus de trois mois, on n'avait pas encore vu une telle bousculade de régimes et de dynasties, de serments prêtés et reniés, de passions, d'enthousiasmes et de peurs. Napoélon débarque à Golfe-Juan le 1er mars 1815, il est à Paris, le 20. Dans l'intervalle, le régime des Bourbons s'effondre comme un château de cartes. Louis XVIII quitte Paris pour l'exil en Belgique dans la nuit du 19 au 20 mars, avec sa cour, sa maison militaire et ses ministres. Trois mois plus tard, Napoléon, battu à Waterloo le 18 juin, abdique le 22. Le pays se dote le même jour d'un gouvernement provisoire sous la direction de Fouché. Le 3 juillet, Paris capitule devant les armées de la coalition. Louis XVIII rentre pour la deuxième fois dans sa capitale, cinq jours plus tard.

Les contre-jours sont toujours éclairants car ils accentuent les ombres et les reliefs. Les Cent-Jours ne sont pas seulement ceux de Napoléon, mais aussi ceux du roi, ils terminent moins l'Empire qu'ils n'inaugurent une sorte de second cycle de la grande Révolution de 1789. Ce que l'on appela alors "la révolution de 1815" porte en elle toutes les divisions françaises, toutes les révolutions à venir, celles de 1830, de 1848, de 1871.

mardi 2 décembre 2008

Béatrix Beck

Hélas un peu oubliée, une des très grandes figures de la littérature du XXe siècle.

Décès de la romancière française Béatrix Beck, Culture - NouvelObs.com

Foucault - Sa pensée, sa personne

Paul VEYNE, Foucault -- Sa pensée, sa personne, Albin Michel - Bibliothèque Idées, Paris, 2008 (220 pages)

Le livre de Veyne nous guide à travers la pensée de Foucault, mais l'auteur ne néglige pas pour autant l'homme qu'il a bien connu et dont il était l'ami.

Une histoire de poisson rouge.

L'intellectuel, ou plutôt le sceptique, est un être double. Par sa pensée, il se tient au dessus du bocal observant les poissons qui y tournent en rond. Mais, au quotidien, il vit dans le bocal, avec les autres poissons. Comme tout un chacun, il doit choisir, avoir des avis,voter... sauf qu'il ne donnera pas valeur de vérité à ses choix (il n'est pas, non plus, un prophète).

Foucault a travaillé sur la vérité dans l'histoire : chaque époque, la notre y compris, est enfermée dans des « discours » -- l'auteur explique en termes fort accessibles la notion -- qu'elle tient pour vrais, mais qui peuvent cesser de l'être : quand s'est effondré l'esclavage et tout ce qui le soutenait, s'est effondrée également sa vérité. En ira-t-il autrement pour les droits de l'homme, l'égalité des sexes et tous autres vérités que nous tenons comme immuables ?

Ce n'est pas, à l'évidence, un livre divertissant, mais outre qu'il constitue une bonne introduction à la pensée foucaldienne, il représente un outil de réflexion fort utile à quiconque se pose la question de l'homme dans l'histoire et s'interroge sur ce qui « va de soi » dans notre société.

lundi 1 décembre 2008

Les années


Annie ERNAUX, Les années, Gallimard, Paris, 2008 (242 pages).

Quelques jours à la campagne, un chalet sous la neige, de longues balades en forêt et, malgré tout, très peu de lecture. J'ai toutefois profité du trajet en train pour avancer dans la lecture du Foucault de Paul VEYNE, mais aussi de me lancer dans un livre que j'attendais depuis longtemps, et qui est enfin devenu disponible à la bibliothèque : une autobiographie « impersonnelle ». Je suis déjà sous le charme de cette prose rigoureuse éloignée du narcissisme si fréquent dans la prose dite d'autofiction. Le récit s'ouvre, après un bref prologue, sur une photo sépia d'un gros bébé à la lippe boudeuse; nous sommes en 1941.

Un enchantement.