mercredi 22 octobre 2008

Ah si j'étais un homme

Tristan GARCIA, La meilleure part des hommes, Gallimard, Paris, 2008 (309 pages).

Passablement encensé à sa sortie à Paris (qui n'est pas, comme chacun sait, la France) on se demande bien pourquoi. En fait, non, on le sait, car chaque année, la mode éditoriale lance ce genre de produit, appelé roman. Soyons clair, il s'agit de faire controverse et, partant, du fric. Avec, à la clef, si possible un prix, lui aussi dit littéraire.

À défaut d'être une oeuvre littéraire, nous avons entre les mains (desquelles il a failli maintes fois choir ces dernières heures) un livre.

Parlons-en.

Le plus achevé, dans cet ouvrage, côté style, c'est la chanson de Diane Tell, dont le texte figure passim, comme on l'écrit dans la langue juridique, et, pour l'essentiel, à la page 295. Notons, au passage, que l’auteur ne pousse pas la générosité jusqu’à citer le nom de l’auteur-interprète de cette chanson. Requiem pour un des protagonistes, Willie Miller de l'histoire, lequel part en fumée. De protagonistes, il y en a deux autres, Dominique Rossi, ancien militant gauchiste et homosexuel d'action, et Jean-Michel Leibowitz, philosophe médiatique. Le tout narré par Elisabeth L. laquelle est, au roman, ce que la blonde est au film d'action américain, la potiche de service.

Willie est une sorte de négatif de Rastignac : arrivé à Paris pour monter, il ne fait qu'en redescendre, dans le monde du sida qui se répand, de l'homosexualité qui milite et de la gloire qui se fait et se défait. Des amours, des haines, on se traite de nazi, de pédé, de sioniste, d'homophobe, et ce sont là les termes affectueux :

Will était incapable d'être méchant, je le pense sincèrement. Il ne croyait pas
vraiment à l'existence des autres. Il concevait sa vie comme une expérience, et
il n'attendait des autres aucune vérité, aucun jugement.
Ledit Will, peu après la publication de son premier roman, et moult télévisions nous lâche :

Je suis bien célèbre maintenant (il baillait), je sais même pas si c'est la
peine de faire, tu vois, une oeuvre. À quoi ça sert, en fait ?
Cette question, on se prend à regretter que l'auteur ne se la soit pas posée... Plus tard, c'est le déclin, le toujours dit Will philosphe :
Entre publié et oublié, ça fait, tu vois, qu'une lettre de différence. Une
lettre. Entre p et o, tu comprends ?

Je ne vous décrirai pas les deux autre protagonistes, Dominique et Jean-Michel, l’un et l’autres fortement inspirés de personnalités réelles – dont l’une l’a fort mal pris, regrettant même les jours heureux où les affaires d’honneur se réglaient en duel. Ils ne sont, tout comme Willie, que des marionnettes que l’auteur manipule sur le théâtre de la société, avec tout le mépris, on dit la haine de nos jours, que chacun porte envers l’autre, surtout quand il s’agit de déroger. Mais n’est pas duc de Saint-Simon qui veut. Tout cela fait très Paris Match, ou, pour le lecteur d’ici, très PKP.

Et tout cela, d’une écriture aussi bancale que banale, pour tout dire moderne et actu, mène au dernier chapitre La meilleure part, où la narratrice nous dresse la leçon de ce conte moral (dixit l'auteur, cette fois)...récit fidèle de la plupart des trahisons possibles de notre existence, le portrait de la pire part des hommes et -- en négatif -- de la meilleure. Je lui laisse la parole, admirez, au passage, l'élégance de la prose :
Les hommes dont la meilleure part n'est pas le coeur, mais tout autour d'eux,
leurs actes, leurs paroles, et tout ce qui s'ensuit, leurs parents, et leurs
héritiers -- ils se survivent, leur disparition n'est finalement qu'une
péripétie de leur plus longue durée, à nos yeux.

Resquiescat in pace.

Pour moi, j'aurais dû suivre mon premier sentiment et laisser tomber. Mais je n'aurais pas pu écrire ma note : choix cruel ô mon si rare lecteur.

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