mercredi 28 mars 2007

À vue de nez


Giles Milton, Le nez d'Edward Trencom - Les aventures héroïques et byzantines d'un fromager londonien, Buchet Chastel, Paris, 2007, traduit de l'anglais par Florence Hertz. Titre original : Edward Trentom's Nose, 2007. (365 pages)

Voici un petit roman tout à fait plaisant et qui, s'il ne révolutionne pas le roman britannique, donnera au lecteur d'agréables heures de lecture.

À l'évidence, l'auteur connaît bien l'histoire, ce qui n'est déjà pas rien, le récit se développant sur un peu plus de trois siècles, de 1666 à 1969, mais en outre, il fait preuve d'une érudition en matière de fromage qui donne faim. Neuf générations de fromagers londoniens lui permettent de nous en mettre plein le nez, nous donnant envie d'aller, toutes affaires cessantes, livre en main, chez le fromager le plus proche. Certes c'est là le côté le plus réussi du roman.

Comme il y a l'esquisse d'un certain suspense, on taira le dénouement, mais un mot de l'intrigue : pour quelle raison, sur neuf générations, un Trencom mâle, pourvu d'un nez -- au sens physique et olfactif -- peu commun disparaît-il dans de mystérieuses circonstances après avoir abandonné famille et foyer pour se rendre en Asie mineure ?

Les amateurs de généalogie et de l'histoire de Byzance apprécieront -- un indice.

À dire le vrai, toutefois, l'histoire n'aurait guère de vraisemblance aujourd'hui, à l'heure de Google et de l'Internet : l'intrigue se noue autour de vieux papiers et les protagonistes ont besoin d'une bibliothèque. Le mystère n'aurait pas survécu à la virtualité et à l'immédiateté des moyens de communication. En outre, les puristes de l'hérédité tiqueront sans doute devant l'explication généalogique.

On fermera toutefois les yeux sur ces artifices un peu convenus, mais, pour ma part, je ne puis cacher mon agacement devant la traduction parfois boiteuse qui donne des phrases telles « personne n'était entré ou sorti de la maison » ou « Ça sentirait beaucoup plus bon... ». Relit-on encore les livres qu'on publie ? Mais on verra sous peu qu'il n'est peut-être même plus nécessaire, ni même utile, de lire les livres dont on veut parler...

dimanche 25 mars 2007

Comment... et briller en société ?


Pierre BAYARD, Comment parler des livres que l'on a pas lus ?, Éditions de Minuit, Paris, 2007 (163 pages)

Je viens tout juste de recevoir ce qui semble être un incontournable. Je l'attaque, et vous reviens, dès que je l'aurai... lu.

La quatrième de couverture :
« L'étude des différentes manières de ne pas lire un livre, des situations délicates où l'on se retrouve quand on doit en parler et des moyens à mettre en oeuvre pour se sortir d'affaire montre que, contrairement aux idées reçues, il est tout à fait possible d'avoir un échange passionnant à propos d'un livre que l'on n'a pas lu, y compris, et peut-être surtout, avec quelqu'un qui ne l'a pas lu non plus. »
Les premières lignes, histoire de vous donner une idée :
« Né dans un milieu où on lisait peu, ne goûtant guère cette activité et n'ayant de toute manière pas le temps de m'y consacrer, je me suis fréquemment retrouvé, suite à ces concours de circonstances dont la vie est coutumière, dans des situations délicates où j'étais contraint de m'exprimer à propos de livres que je n'avais pas lus.

« Enseignant la littérature à l'université, je ne peux en effet échapper à l'obligation de commenter des livres que, la plupart du temps, je n'ai pas ouverts. Il est vrai que c'est aussi le cas de la majorité des étudiants qui m'écoutent, mais il suffit qu'un seul ait eu l'occasion de lire le texte dont je parle pour que mon cours en soit affecté et que je risque à tout moment de me trouver dans l'embarras.
« Par ailleurs, je suis appelé régulièrement à rendre compte de publications dans le cadre de mes livres et de mes articles qui, pour l'essentiel, portent sur ceux des autres. Exercice encore plus difficile, puisque, au contraire des interventions orales qui peuvent sans conséquence donner lieu à des imprécisions, les commentaires écrits laissent des traces et peuvent être vérifiés. »

jeudi 22 mars 2007

Citation

« Je ne lis jamais un livre dont je dois écrire la critique, on se laisse tellement influencer. »

Oscar WILDE

Cela dit, le fait que je ne commente plus les livres de Mlle Bombardier, il y a tant de choses intéressantes à faire dans la vie, ne signifie pas du tout que je les lis; l'abnégation a ses limites. Et puis, ne fréquentant guère les bénitiers, je pratique volontiers un hédonisme littéraire.

dimanche 18 mars 2007

Une brève histoire de l'avenir

Jacques ATTALI, Une brève histoire de l'avenir, Fayard, 2007 (427 pages)

Le dernier livre d'Attali que j'ai lu remonte à 2002 et était Les Juifs, le monde et l'argent, lequel m'avait complètement séduit. Je l'ai été beaucoup moins par ce dernier essai.

Je me demande si l'ouvrage ne souffre pas d'avoir été fabriqué à la suite de conférences données par son auteur. Je dis bien fabriqué car il m'a semblé d'une inutile longueur, celle-ci découlant d'innombrable redites et de répétitions. De plus, l'auteur demande du lecteur un acte de foi en voulant se distinguer du commun des futurologues, dont chacun sait que l'avenir infirme bien plus qu'il ne confirme leurs prédictions; cette sollicitation ne s'appuie sur aucun appareil au soutien de la thèse de l'auteur, les affirmations s'enfilant qui, certes, veulent retenir les leçons de l'histoire, mais qui n'en demeurent pas moins sujettes à de nombreux « si le tendance se maintient » Inutile de préciser que cette histoire se conjugue principalement au futur et au conditionnel.

Exemple d'un raccourci étonnant :
« En 27 av. J.C., (...) Octave devient César Auguste, premier empereur. Soucieux d'éviter toute révolte aux frontières, ses successeurs matent la révolte égyptienne et font taire tous les dissidents dont, en 30, un rabbi de Jérusalem nommé Jésus, puis d'autres juifs révoltés, avant de détruire Jérusalem en 70 et d'y massacrer une fois de plus tous les juifs. Le christianisme est né. »
Le christianisme, peut-on déduire, est né marqué d'un péché originel : l'antisémitisme.

J'en suis arrivé à croire que l'éditeur avait oublié la mention roman sur la couverture, l'auteur étant sans doute trop occupé pour s'en soucier. Car cette histoire ressemble fort à un « il était une fois » qui serait conjugué au futur, en d'autres mots, un récit d'anticipation.

Ces remarques préliminaires faites, qu'en est-il ?

Succinctement : quel sera le XXIe siècle ? Et 422 pages plus tard, on peut répondre, ou tout mal, ou tout bien.

J'ai dis roman. En effet, comme pour toute oeuvre romanesque, l'auteur met en place le protagoniste de l'action dans une première partie, campe le décor dans la deuxième, l'intrigue se déroulant en quatre chapitres, l'ultime traitant du cas de la France.

Le protagoniste : ce primate qui, apparu il y a sept millions d'années, est devenu l'homo sapiens -- nous. Ce volet est expédié en une vingtaine de pages.

Le décor : l'Ordre marchand, apparu sur les rives de la Méditerranée douze siècles avant notre ère qui sur « un espace de plus en plus vaste, avec des technologies de plus en plus efficaces, à la fois dans la violence, l'injustice et la splendeur, (...) installe le marché et la démocratie, la démocratie de marché. ». Ce décor est planté en moins de quatre-vingts pages et est parsemé de « leçons pour l'avenir », sortes d'axiomes du genre : « aucun empire, même s'il paraît éternel, ne peut durer à l'infini », « le lien entre la technologie et la sexualité structure la dynamique de l'Ordre marchand » ou « nombre d'innovations majeures sont le produit du travail de chercheurs payés sur les fonds publics pour chercher toute autre chose ».

Ce décor met en place une succession de « coeurs » -- Bruges, Venise, Anvers, Gênes, Amsterdam, Londres, Boston, New-York et Los Angeles -- qui emporte, à chaque fois la transformation des paysans en salariés précaires (dans les villes), la concentration de la richesse et une augmentation de la liberté pour les consommateurs, mais de l'aliénation pour les travailleurs.

L'intrigue, qui constitue le coeur de l'ouvrage, voit la fin de l'empire américain, et voit se succéder sur un siècle, celui-ci, deux vagues, l'hyperempire et l'hyperconflit avant que n'arrive, si nous sommes chanceux, l'hyperdémocratie. À terme, et en quelques mots, avant cette dernière vague, « ce n'est pas l'Afrique de demain qui ressemblera un jour à l'Occident d'aujourd'hui, mais l'Occident tout entier qui pourrait demain faire songer à l'Afrique d'aujourd'hui. ». Bref, le pire est l'avenir de l'homme, si tant est qu'il y ait un avenir...

Mais il peut y avoir un happy end, l'hyperdémocratie, où tout le monde il sera beau, tout le monde il sera gentil.

Même en France.

Si les thèses de l'auteur sont séduisantes, bien que généralement pessimistes, et marquées de quelques fulgurances, la lecture de l'ouvrage constitue tout un travail (c'est « bien de l'ouvrage », dirait-on en Nouvelle-France), notamment en raison du style qui se révèle, ma foi, un peu chaotique, et guère élégant. Guère séduisant, il requiert en outre l'adhésion à priori du lecteur qui ne pourra vérifier les sources. À mon avis, le mieux est de l'emprunter en bibliothèque et, faisant l'impasse, sur les deux premières parties, de ne lire, outre l'avant-propos, qui résume bien le tout, que les cinq derniers chapitres (et encore, celui sur la France ne présente, selon moi, que peu d'intérêt).

lundi 12 mars 2007

À venir




Jacques ATTALI, Une brève histoire de l'avenir, Fayard, 2007 (427 pages)

Gros pavé qui semble avoir été fabriqué assez rapidement, mais, comme toujours avec ATTALI, un regard différent sur une bien longue histoire.

David LODGE, Dans les coullisses du roman, Rivages, 2007, traduit de l'anglais par Marc Amfreville. Titre original : The year of Henry James.

Recueil d'essais sur la littérature et du récit de la déconvenue éditoriale de l'auteur l'année où son roman L'auteur ! L'auteur ! s'est fait coiffer sur le poteau par celui d'un autre romancier, Colm TOIBIN, et qui portait aussi sur Henry James.

D'ores et déjà je recommande ce livre, au moins pour ce récit, qui en révèle beaucoup, évidemment selon le point de vue d'un auteur qui ne cache pas toujours son amertume, sur le monde de l'édition, qui est en fait devenue une industrie où l'auteur n'a plus qu'un rôle symbolique.

Gilles MILTON, Le nez d'Edward Trencom - Les aventures héroïques et bysantines d'un fromager londonien, Buchet-Chastel, 2007, 365 pages, traduit de l'anglais par Florence Hertz. Titre original : Edward Trencom's Nose.

À lire.

dimanche 11 mars 2007

Citation

Le plus dur est de respecter ce précepte : ne rien écrire plutôt que mal écrire.

André Blanchard, Entre chien et loup, Le dilettante, 2007

Inutile de commenter, suffit de lire un peu certaines gazettes...

vendredi 9 mars 2007

De retour


Je croyais bien pouvoir continuer à verser ici mes cogitations quotidiennes, c'était sans compter sur l'attrait de la plage, et la lenteur du service internet de mon hôte (dont la générosité était, par ailleurs, sans faille).

Un mot seulement, terminé le BOULANGER, et largement entamé un essai de David LODGE, sur lequel je reviendrai.