vendredi 26 octobre 2007

Histoire de lecture - 2


Si le silence qui suit l'écoute de Mozart est encore du Mozart, le temps qui suit la lecture de Modiano est toujours du Modiano.

Je demeure souvent, pour ma part, dans un silencieux saississement devant la beauté de la phrase, et l'effet qu'elle provoque.

Témoin l'incipit :
Des deux entrées du café, elle empruntait toujours la plus étroite, celle qu'on appelait la porte de l'ombre.
Trois éléments, une inversion, pour peu on dirait des alexandrins pour le rythme, l'alternance des « t » et des « l »; tout est dit, la couleur est donnée : le personnage principal, dont le nom ne nous est pas encore révélé, entre par l'ombre. Avec un rien de cruauté puisque entré par la porte de l'ombre, il sortira du roman par la fenêtre.

Témoin encore :
J'étais née en Sologne, mais nous n'y étions jamais retournées. Voilà pourquoi ma mère me répétait souvent : « Nous n'avons plus de charpente...»
Cette phase lue, je n'ai pu poursuivre plus avant, immobilisé au milieu d'un long paragraphe. Plus de charpente ! Une femme seule et son enfant, père inconnu, montées à Paris. Non seulement l'arrachement des racines, l'absence de structure. Points de suspension sur le vide.

Je suis dans la vie Modiano : je pense au film de Truffaut, La nuit américaine, au plan où le réalisateur rêve en noir et blanc. Je regarde le ciel, bleu aujourd'hui et sans nuage, d'automne, mais je suis en noir et blanc.

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